Comment Paragon, l’un des principaux concurrents de NSO, a réussi à séduire les États-Unis

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« Les fabricants de cyberarmes s’efforcent de rester du bon côté des États-Unis », titre le Financial Times. Des entretiens menés avec une demi-douzaine de personnalités du secteur au sujet des trajectoires divergentes de NSO et de Paragon Solutions, l’un de ses principaux concurrents, lui aussi israélien, « montrent à quel point l’industrie des logiciels espions est en train d’être remodelée autour de ceux qui sont favorables aux intérêts américains », avance le FT :

« À l’été 2019, alors que Paragon Solutions construisait l’une des cyberarmes les plus puissantes au monde, l’entreprise a pris une décision prémonitoire : avant de courtiser un seul client, il valait mieux s’assurer le soutien des Américains. »

La start-up israélienne, qui avait vu ses rivaux NSO et Candiru placés sur liste noire aux États-Unis, à cause de l’utilisation faite de leurs logiciels espions par des pays autoritaires, aurait donc demandé l’aide de conseillers américains de haut niveau, mais également obtenu des fonds de groupes de capital-risque américains, et finalement décroché un client de premier plan qui échappe à ses concurrents : le gouvernement américain.

L’utilisation de son logiciel espion Graphite par la Drug Enforcment Agency (DEA) états-unienne avait été rapportée pour la première fois par le New York Times, en 2022. Mais le FT a découvert que, pour y parvenir, Paragon avait également engagé WestExec Advisors, basé à Washington, un lobbyiste influent composé d’anciens fonctionnaires de la Maison Blanche d’Obama, et consulté l’ex-ambassadeur des États-Unis en Israël, Dan Shapiro, afin de « conseiller Paragon sur son approche stratégique des marchés américain et européen, ainsi que sur la formulation de ses engagements éthiques de pointe visant à garantir l’utilisation appropriée de sa technologie ».

Créée par Ehud Schneorson, un commandant à la retraite de l’unité 8200 (la NSA israélienne), Paragon compte l’ancien Premier ministre Ehud Barak dans son conseil d’administration, et aurait également obtenu des investissements de deux sociétés américaines de capital-risque, Battery Ventures et Red Dot.

« Tout ce qu’ils ont fait s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie visant à ce qu’au bout du compte, les États-Unis les considèrent comme les gentils », explique une personne au fait des décisions.

Paragon aurait même décliné les demandes du gouvernement israélien de remplacer Pegasus par son Graphite dans l’arsenal saoudien, après que des traces du logiciel espion de NSO aient été repérées sur les téléphones des associés au chroniqueur saoudien assassiné Jamal Khashoggi,

Paragon n’en aurait pas moins réussi à vendre son logiciel espion au Mexique, dans le cadre de la lutte contre la drogue que mène aussi la DEA, et quand bien même Pegasus a aussi été utilisé au Mexique pour espionner des défenseurs des droits humains, et même des responsables politiques.